26 janvier 2006

Notre maladie porte un nom : l'anomie !

L'anomie (du grec an- : absence de, et nomos : nom, loi, ordre, structure) est l'état d'une société caractérisée par une désintégration des normes qui règlent la conduite des hommes et assurent l'ordre social.

L'anomie comme désordre individuel

Emile Durkheim, sociologue français du XIXe siècle, utilise ce mot dans son livre sur les causes du suicide pour décrire une condition ou malaise dans les individus, caractérisée par l'absence ou la diminution des standards ou valeurs et le sentiment associé d'aliénation et d'irrésolution. Le recul des valeurs (éthiques, religieuses...) conduit à la destruction et à la diminution de l'ordre social : le manque de lois et de règles ne peut plus garantir l'intégration sociale. Cet état conduit l'individu à avoir peur et être insatisfait, ce qui peut conduire au suicide. L'anomie est en fait assez courante quand la société environnante a subi des changements importants dans l'économie, que ce soit en mieux ou en pire, et plus généralement quand il existe un écart important entre les théories idéologiques et les valeurs communément enseignées et la pratique dans la vie quotidienne. L'anomie se comprendrait peut-être mieux et plus profondément entre autonomie et hétéronomie à travers les concepts marxiens des valeurs d'usage et d'échange et les idées jungiennes d'introversion et d'extraversion reprises par Erich Fromm avec la distinction entre "aimer" et "être aimable".


L'anomie comme désordre social
Le terme anomie est aussi utilisé pour désigner des sociétés ou des groupes à l'intérieur d'une société qui souffrent du chaos dû à l'absence de règles communément admises implicitement ou explicitement de bonne conduite ou, pire, dû au règne de règles promouvant l'isolation ou même la prédation plutôt que la coopération.

Il apparaît pour la première fois comme concept sociologique sous la plume du philosophe J.M. Guyau dans Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction (1885).

Friedrich Hayek utilise notamment anomie dans ce sens-là.

L'anomie comme désordre social n'est pas à confondre avec l'anarchie.
Le mot « anarchie » révèle l'absence de chefs, de hiérarchie, de commandement alors que le mot « anomie » se réfère à l'absence de règles, de structure, d'organisation. Beaucoup d'opposants à l'anarchisme affirment que l'anarchie mène nécessairement à l'anomie. Ce à quoi répondent les anarchistes que la société actuelle avec une hiérarchie et un commandement crée le chaos plutôt que l'ordre.

Robert K. Merton s'est intéressé à ce concept et a décrit les règles qui, non suivies, mènent à l'anomie :

les buts culturels comme souhaits et attentes des membres de la société
des normes, qui prescrivent les moyens permettant aux gens d'atteindre leur but
la répartition de ces moyens
L'anomie est dans ce cas d'avantage une dissociation entre les objectifs culturels et l'accès de certaines couches aux moyens nécessaires. La relation entre le moyen et le but s'affaiblit.

Actuellement, la relativisation des moyens culturels à travers la pluralisation mène surtout au problème de l'insécurité du comportement et de l'orientation, de l'individualisation et de la désintégration sociale.


Références bibliographiques supplémentaires
Jean Duvignaud, « Anomie et mutation sociale », Sociologie des mutations (Georges Balandier éd.), Anthropos, 1970
Marco Orrù, L'anomie. Histoire et sens d'un concept, L'Harmattan, 1998